Un peu plus au nord: Hellesylt

Le lendemain, sous un vent soutenu mais un soleil radieux, je pars randonner pour la journée dans les environs du camping.

Sur les hauteurs, la vue sur le fjord est superbe. A travers les nuages épars, les rayons de soleil dessinent des cordes de lumières qui viennent balayer la surface de l’eau.

Le périple de la veille est vite oublié, même si les jambes s’en rappellent un peu.

Après avoir bien vadrouillé, je me souviens qu’à l’entrée de Sogndal, à 3km du camping, il y a une supérette et que dans ce camping grand luxe, il y a un four… J’ai soudain une furieuse envie de pizza. Aveuglée par la vision d’une pizza surgelée inondée de fromage qui remplira la pièce d’une douce odeur industrielle, je termine ma randonnée sur ces 6kms à pied aller/retour. Ma pizza sous le bras, je me sens quand même moyennement « into the wild », mais après tout comme dirait l’autre:  » où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir! ».

Bref. Je suis officiellement claquée de mon périple mais la 4 fromages est au four.

Pendant la cuisson, j’en profite pour régler la note du camping et demander si le fait de faire du Stop est socialement acceptable en Norvège. Réponse: non. Le directeur du camping m’explique, un peu hésitant, que ça n’est pas dans les mœurs et que les gens risquent d’avoir peur. Note pour l’avenir: je suis donc physiquement en capacité de faire peur à des gens dans le grand nord, pays des ours et des tempêtes, seule, le pouce en l’air au bord d’une route. Ok.

Suite à ma question, le gérant propose de me trouver les horaires de car pour le lendemain puisqu’un arrêt est situé à proximité du camping. Il passe donc le temps nécessaire à chercher et vérifier les informations sans avoir eu besoin de lui demander quoi que ce soit et finit par me rédiger une fiche horaire précise avec un grand sourire. Je file donc retrouver ma pizza, avec la fiche horaire dans la poche et le sentiment confortable que sait procurer l’attention de l’autre quand on ne l’a pas réclamée.

Au matin, je replie ma tente et remballe mes affaires avec une efficacité remarquable, il est absolument hors de question que je rate ce bus.

Je suis à l’heure, le car aussi. Une fois le sac dans la soute, je m’installe et remarque immédiatement un regard très appuyé à ma gauche. L’homme à la mine joviale me demande d’où je viens « I come from France. » « OOoooh Je parle un peu Français vous savez? »… Drôle. L’homme vient d’Hawaï, il est prof de psychologie à l’université d’Honolulu. Du coup le trajet de 5 minutes passe en un éclair et on se retrouve à attendre nos cars respectifs ensemble. Il me raconte son travail qui lui permet de voyager partout dans le monde pour tenir des conférences et accessoirement de partir randonner dans les plus beaux endroits de la planète. Il me donne des bons plans allant de l’application de rando aux références de cartes.  On se raconte notre voyage Norvégien. Il me dit qu’il à vécu à Paris où il a apprit le français et je lui réponds que durant la même période mes parents habitaient Boulogne-Billancourt. Il y a des gens comme ça avec qui la discussion coule de source sans même se connaitre. Je lui signale que son bus est à quai, ce qui lui permet tout de même de ne pas le rater! Dommage, j’aurais bien aimé entendre la suite de la balade de nuit près des laves du kilauea un steak et une tige de fer à la main.

Finalement ma solitude retrouvée ne dure qu’un instant, un chinois, la quarantaine et l’air un peu perdu me demande ma destination avec un anglais plus qu’approximatif. Il se rend lui aussi à Hellesylt puis Geiranger. Sur ce je me commande un sandwich végétarien beaucoup trop cher et beaucoup trop mauvais. Le car arrive. Le chinois paniqué aussi. Est-ce bien le bon car? Comment puis-je en être sûre? A quelle heure allons nous arriver? Et si le car à du retard, allons nous rater notre correspondance? Et si?… Bon je veux bien être sociable, mais là je décide quand même de mettre quelques sièges entre nous.

Une bonne playlist, une destination inconnue, rouler et être nulle part. C’est ça le paradis.

Entre deux correspondances je m’essaye au Norvégien avec le chauffeur du bus. Le chinois, lui, fait les cents pas avec un mélange tout à fait unique d’angoisse et de joie sur son visage. Il pourrait être tout droit sorti d’un dessin animé à la Triplette de Belleville. Je reprends donc le bus suivie de près par mon acolyte du jour.

Nous arrivons finalement à Hellesylt, désertée de tout touriste. A peine sortie du bus je me retrouve assaillie de questions par le chinois à l’anglais qui force la concentration. Il doit prendre un bateau pour aller dormir à l’hôtel à Geiranger. Je lui conseille de se diriger vers le quai visible depuis l’arrêt de car… Etant aussi perdue que lui, je suis par conséquent assez peu utile en matière d’informations directionnelles. Il finit par apercevoir le bateau qui arrive au loin et me lance un jovial « A demain à Geiranger! ». Intérieurement, je ris. Le gens paumés sont parfois sacrément marrants.

Ne trouvant âme qui vive dans le village je fais irruption dans une maison de retraite pour que l’on m’indique les différents campings. Opération fructueuse. Après avoir visité 2 campings, j’opte pour le plus proche du quai, beaucoup moins humide. Tente montée, repas avalé, sommeil entrecoupé de camions, l’aire de repos est de l’autre côté de la haie, pas de bol Anatole.